Votre corps est-il solide ?

Les fascias sont une toile continue qui entoure tous les muscles, les os, les nerfs et les organes du corps. Ce dernier change constamment de forme, de composition chimique et de propriétés physiques pour s’adapter aux contraintes mécaniques et autres de son environnement. Les fascias permettent au corps de retrouver sa forme lorsque la pression exercée sur une zone particulière se dissipe.
Il s’agit d’un réseau traversant l’ensemble du corps qui est hautement hydraté, richement innervé, vascularisé et contractile. Ce système biologique étonnamment complexe transmet des signaux mécanoréceptifs au corps, facilitant ainsi ses fonctions de communication, d’interaction, d’adaptation et de protection. (Robert Schleip, 2012)
''TLa pensée anatomique d’aujourd’hui est encore fortement influencée par les travaux de Vésale, qui considérait le corps humain comme étant composé de parties distinctes. Il est temps selon moi d’actualiser ce concept et d’adopter une nouvelle vision plus holistique de l’organisme humain afin de comprendre véritablement et pleinement l’anatomie du fascia" - Jaap van der Wal, MD PhD
Depuis quelques années, la recherche montre que les mouvements du corps ne se limitent pas à l’action des muscles individuels qui réagissent à une stimulation nerveuse. Nous constatons désormais que les muscles forment un système qui doit être coordonné pour fonctionner correctement. À cet égard, le fascia joue un rôle majeur dans la coordination du système moteur. (Carla Stecco, 2015)
Le réseau continu de fascias, de ligaments et de muscles, qui soutiennent l’ensemble du squelette, répartit la charge mécanique du corps. L’interaction entre ces divers tissus est également cruciale. Par « chaînes myofasciales », nous entendons les chaînes musculaires et les fascias qui parcourent le corps et peuvent transférer la tension d’une zone du corps à d’autres zones, proximales ou distales.
Qu’est-ce que la tenségrité ?
Les structures conçues en tenségrité ne sont pas stabilisées par la résistance de composants individuels, comme une colonne opposée à la force de gravité, mais par la répartition et l’équilibre des contraintes mécaniques dans l’ensemble de la structure
La tenségrité est un concept que l’architecte Richard Buckminster Fuller a proposé en 1961. Selon ce principe architectural, la stabilité est atteinte grâce à un équilibre entre des forces de traction et de compression opposées.
Issue de la contraction des mots « intégrité tensionnelle », la tenségrité diffère du concept traditionnel de continuité par compression. Elle repose plutôt sur les principes de l’élasticité, de la déformabilité, de la transmission mécanique et de la restauration de la forme.
Grâce à leur capacité de contraction, les fascias peuvent réguler spontanément leur rigidité et ainsi participer activement à la stabilisation des articulations et aux mouvements dynamiques. Toutes les forces s’appliquent à chaque élément structurel, de sorte que la moindre augmentation de tension sur l’un d’entre eux se répercute sur l’ensemble du système.
Ils jouent également un rôle actif dans le transfert mécanique. Près de la moitié de la force générée par un muscle est transmise au tissu conjonctif environnant. Les jonctions intermusculaires sont responsables de la majeure partie (90 %) du transfert de force entre muscles adjacents, plutôt que les jonctions tendon-muscle individuelles.
La biotenségrité
“Ce phénomène se manifeste à toutes les échelles de la matière vivante, animale ou végétale. Elle est probablement attribuable à l’influence plus importante des forces physiques, osmotiques et électromagnétiques, par exemple. Il s’agit du système de construction que la nature a privilégié au cours de l’évolution.'' -Jean Claude Guimberteau
La biotenségrité propose une vision contemporaine de la construction du modèle vivant dans laquelle les fascias assurent la continuité tissulaire entre toutes les structures du corps. Ce dernier maintient ainsi sa forme, sa solidité, son adaptabilité multidirectionnelle et son indépendance par rapport à la gravité.
Les fascias changent constamment de forme, de composition chimique et de propriétés physiques pour s’adapter aux contraintes mécaniques de son environnement, entre autres. Ils contribuent considérablement à la capacité du corps à retrouver sa forme initiale lorsque la pression exercée sur une zone se dissipe. Cette biomécanique non linéaire permet de conserver la forme, la force, l’adaptabilité multidirectionnelle et un certain degré d’indépendance par rapport aux forces de la gravité.
Par ailleurs, les fascias réagissent à la gravité, la force à laquelle nous sommes tous constamment assujettis. Tout comme un voilier dépend du vent pour se déplacer, les fascias fonctionnement avec la gravité. Cette dernière constitue en quelque sorte un vecteur fixe par rapport auquel les fascias organisent la structure et la fonction du corps. (Monica Caspari Heidi Massa, 2012)
Mécanotransduction
L’une des principales fonctions des fascias est de moduler les tensions mécaniques transmises aux cellules. Le concept de la mécanotransduction explique comment les structures biologiques, telles que les cellules, les tissus et les fascias sont construites, s’adaptent et interagissent d’un point de vue biomécanique.
La recherche montre aujourd’hui que la distorsion mécanique des cellules et du cytosquelette par les intégrines (récepteurs) à la surface cellulaire peut affecter profondément le comportement cellulaire.
Les données montrent de surcroît que les matrices nucléaires, cytosquelettiques et extracellulaires sont interconnectées d’un point de vue mécanique, chimique, électromécanique et fonctionnel dans l’ensemble de l’organisme. (Oschmann, 1998)
De plus, la recherche montre que l’activité cellulaire est étroitement liée à la qualité biomécanique de son environnement. Hélène Langevin (2010) a démontré la continuité des impulsions mécaniques de la peau à la membrane centrale dans des fibroblastes de souris.
Points d’acupuncture
Les points d’acuponcture appliqués à la surface du corps ont divers effets : transformation et transfert d’informations, régulation de la fonction des canaux et des organes, irrigation des tissus environnants et liaison avec le système de canaux dans son ensemble. (Wang Ju Yi, 2008)
Les pratiques reposant sur l’action/indication ponctuelle ont une validité clinique unique et une tradition qui leur est propre. Elles sont largement axées sur les réponses complexes du corps à des impulsions ciblées sur la tenségrité du tissu conjonctif. (Edward Neal, 2014)
Les manipulations à partir d’aiguilles d’acuponcture peuvent modifier de manière permanente la matrice extracellulaire entourant une aiguille, qui peut à son tour affecter les diverses populations cellulaires qui partagent cette matrice de tissu conjonctif (par exemple, les fibroblastes, les afférences sensorielles, les cellules immunitaires et vasculaires). Ces effets sont médiés par la réponse des mécanorécepteurs des fibroblastes à l’action des aiguilles d’acuponcture. (Helene Langevin, 2001)
En conclusion, toute action effectuée localement peut potentiellement avoir un effet sur diverses fonctions dans l’ensemble du corps. De plus, il est possible de corriger une dysfonction myofasciale dans une seule zone ou dans différents segments du système. (Andrzej Pilat, 2011)
Source de l’image : https://www.artsy.net/artwork/antony-gormley-exposure-maquette-1
Texte de : Simon Bélair
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